Dans sa lettre envoyée aux enseignant.e.s, le Président de la République souhaite passer un pacte. Celui-ci se base sur la généralisation de l’expérimentation marseillaise et va se dérouler d’ici la rentrée 2023, à travers la mise en place de débat/concertation dans les écoles « volontaires » où enseignant.e.s, parents d’élèves, élu.e.s, associations vont construire un projet soumis à validation du Dasen pour faire partie des projets innovants qui seront financés (500 millions d’euros du Fond Innovation Pédagogique).

Ne nous laissons pas leurrer par l’appât du gain, essayons de comprendre et prenons un peu de hauteur et essayons de comprendre la démarche. Depuis plus de 100 ans, l’institution qu’est l’école de la République a pour vocation de faire réussir TOUS les élèves. Il y a 40 ans, suite à diverses politiques d’aménagement du territoire, certains territoires ont été repérés comme relevant d’une éducation « prioritaire » pour pouvoir bénéficier de « plus ». Depuis maintenant plus de 10 ans, un glissement s’opère pour aller vers un « faire réussir les plus méritants » (internat d’excellence par exemple), instillant des débuts de sélection y compris aussi au sein des enseignant.e.s (poste à profil). Aujourd’hui, Emmanuel Macron souhaite aller plus loin : en « responsabilisant » les enseignant.e.s, énoncé sous la forme « en donnant plus de « liberté » pédagogique ». On assiste en fait à une déresponsabilisation du politique sur les inégalités scolaires, fruits des inégalités sociales qui ne cessent de s’amplifier.

L’expérimentation Marseillaise"

Revenons au plus près du terrain, à partir de l’exemple marseillais. Cet appel à projet innovant laisse entrevoir 3 caractéristiques :

1/ la sélection : l’école répond à cet appel à projet, mais n’est pas retenue : les élèves de ce secteur auront inévitablement une rupture d’égalité avec leurs copains de l’école voisine, sélectionnée elle. Et pourtant ils habitent le même quartier, la même ville, ou la même vallée ….
2/ la contractualisation : le projet est en lien avec les collectivités locales : c’est une contractualisation qui est mise en place, liant les différents partis, au risque de voir le coté « national » disparaître au profit du local, plus ou moins orienté politiquement suivant les départements ou les localités
3/ la concurrence : les équipes de différentes écoles seront « concurrentes » lors des sélections pour accéder au financement, chaque enseignant.e sera aussi en concurrence avec les autres pour répondre au poste à profil afin d’obtenir un poste dans ces écoles retenues

L’école du Futur ?

Cette « expérimentation marseillaise » à peine commencée, et donc pas évaluée, Emmanuel Macron souhaite la généraliser dans son projet « d’école du futur » en lançant le CNR spécial école sous la forme de concertation/débat. "Il est indispensable de permettre à l’ensemble de notre société de se réapproprier ce « bien commun » qu’est l’école", explique ainsi Pap Ndiaye en introduction au guide destiné aux personnels de direction pour l’organisation des concertations voulues par E Macron dans le cadre de "l’école du futur". Louable intention mais qui en ouvrant les écoles et les établissements aux élu.e.s locaux, associations et intervenant.e.s extérieur.e.s pour résoudre les problèmes en déqualifie a priori les enseignant.e.s. "L’école du futur" commence par retirer aux personnels d’éducation leur pouvoir dans leur propre institution scolaire. Accusé.e.s de tous les maux, abreuvé.e.s d’injonctions et saoulé.e.s de petits guides de toutes les couleurs, les enseignant.e.s voient déjà leur professionnalité contestée voir battue en brèche par leur ministère et ses outils, comme les évaluations nationales. L’Ecole du futur va plus loin encore. Cette fois ci c’est l’organisation locale de l’école ou de l’établissement, ses objectifs pédagogiques qui sont définis par des non spécialistes, à travers une contractualisation avec le rectorat pour bénéficier des fonds du FIP. Elle se fera au profit des acteur.trice.s locaux les plus influents : les élu.e.s locaux et les entreprises.

L’école du futur devrait casser le moule de l’école républicaine au profit d’écoles en concurrence. Il s’agit bien d’une désinstitutionalisation de l’école.

Faire confiance au terrain, cela a toujours était une revendication que la FSU-SNUipp a toujours tenu. Et sur le terrain, les professionnels de l’éducation, ce sont les enseignant.e.s. Iels sont formé.e.s, et doivent continuer à l’être en bénéficiant d’une formation initiale et continue, complètement sinistrée depuis le passage de Blanquer. Iels sont aussi les dépositaires d’une culture commune, d’un patrimoine et de savoir-faire enseignants, éléments mis à mal depuis plus de dix ans par l’instauration de la rentabilité scolaire via le « pilotage » des écoles par les évaluations.

La libéralisation de l’école est en marche, elle est prévue pour la rentrée de septembre 2023 ; à nous de faire entendre une autre vision de l’école, collectivement.

Pour aller plus loin

L’école du Futur du Président de la République

L’école du Futur du Président de la République